Guggenheim Bilbao
"Un homme qui
recherche l'harmonie a le sens du sacré..." écrit Le Corbusier au Révérend père Couturier à propos du Couvent de la Tourette qu'il réalisera entre 1956 et 1960.
Fidèle à ses principes,l'architecte construira un bâtiment de béton brut,laissant à la lumière le soin de jouer avec les vides et les pleins, soigneusement placés, sans aucune
autre décoration, car la simplicité de l'édifice devait refléter la modestie de l'ordre,propice à la spiritualité de ses occupants.
Dans une approche diamétralement opposée, Franck O Gehry ( de son vrai nom Franck Owen Goldberg) a dressé une oeuvre monumentale d'une complexité formelle défiant les
principes même de l'architecture utilitaire.L'énorme carapace recouverte d'écailles en titane qui se dresse au centre de Bilbao, au prix de prouesses technologiques, s'approprie la fonction
première d'un musée qui est de mettre en avant le contenu et non le contenant.
Comme la plupart des visiteurs de ce musée, dédié à l'art contemporain, j'ai été déçu par les oeuvres que cette sculpture gigantesque abrite. Le bâtiment justifie le
pélerinage à Bilbao.On peut faire l'impasse sur la visite si l'on est en quête d'émotion artistique.
Franck O gehry, reconnu a 50 ans comme un des grands architectes de notre temps a étudié... la céramique avant de se lancer dans l'architecture. Parti d'un simple dessin
gribouillé sur une nappe de restaurant, son ouvrage matérialise un rêve de sculpteur. Certes, on y trouvera un coeur distribuant par des artères verticales et horizontales les accés à des
galeries et des salles. Certes on ne pourra rester insensible à la beauté des fuyances, mais on ne pourra qu'être déçu par cette débauche d'angles et de courbes qui détournent l'attention vers
l'envelope au détriment des oeuvres qu'elle est censée mettre en valeur.On est aux antipodes du Bauhaus, de la beauté fonctionnelle.
Une question me taraude depuis cette visite: le gigantisme est-il devenu le critère fondamental d'évaluation, dans le jugement d'une oeuvre artistique?
Qu'on réfléchisse. "Puppy" sculpture florale de Jeff Koons, devant l'entrée du musée : hauteur 12,40 mètres." Maman" araignée de bronze: hauteur 11,60 mètres. "Snake" de
Richard Serra: Longueur 31 mètres, Hauteur 4 mètres, poids 180 tonnes... Mona Lisa moins d'un mètre carré...
Utiliser les moyens audiovisuels, pourquoi pas ( deux ou trois salles immenses ne servent qu'à cela, mais que voit-on sur ces écrans? Des images sans intérêt) L'art
de notre temps serait-il réduit à la prise de conscience de l'absurdité du monde? Après la visite du musée d'art contemporain de Luxembourg, ouvrage magnifique de Pei abritant une dizaine
d'"installations" aux qualités esthétiques discutables, même constat à Bilbao: pour être un artiste reconnu "de renommée internationale" il faut produire au moins dix mètres , avoir besoin
d'une salle entière, faire du lourd, du volumineux ou du vent! (A Bilbao, la japonaise Fujiko Nakaya présente une sculpture "de brume"). Après "l'expressionisme abstrait" (
signification?) et la désormais désuéte émotion esthétique, voici venu le temps de l'émotion répulsive. Entrez et venez souffrir en contemplant des horreurs! On veut nous faire croire que
dans ces installations plus ou moins sordides, le poids demesuré ou le "non encore fait" git le génie d'artistes, que la subversion peut tenir lieu d'expression artistique-pire de talent-
puisque exposées dans des musées leurs oeuvres sont donc admirables. Mais qui demande d'un artiste qu'il délivre un message? N'attend-t-on pas d'une oeuvre une émotion esthétique? Yves Klein a
connu la célébrité bien plus par son iniative. En brevetant l'IBK, une couleur bien plus que par ce qu'il en a fait. Certes les artistes doivent faire bouger les lignes mais qui décide
qu'une oeuvre est une oeuvre aujourd'hui? Les marchands? Les magnats fortunés? Une estime consensuelle n'aurait-elle pas plus de valeur?